Appartements de la baronne de Fayence

La fin de soirée et la nuit avaient été délicieuses.
Réveillée tôt, comme toujours, elle resta là, sans bouger, un long moment, profitant seulement de l'instant présent.

Lorsqu'elle se décida à se lever, elle le fit tout doucement, sans bruit. Elle s'installa à la table, sortit d'un écritoire plumes, encre et vélin et se mit à écrire un message qu'elle laisserait sur l'oreiller en sortant.

Une fois habillée - chemise, braies et bottes -, elle sortit toujours en silence et descendit aux écuries.
Là, elle sella Nergal qui hennit de contentement, enfourcha son cheval et partit en balade...

Lorsqu'elle rentra, début de soirée, Heulynn constata que la malle qui aurait du arriver avec elle, si elle était venue avec ce carosse qui était prêt à Fayence, était arrivée !

Brave Louizon...Ce ne pouvait être qu'elle qui lui avait fait envoyer.

C'est avec un plaisir non feint qu'elle se glissa dans un bain avant de s'habiller, seule, cette fois, pour la soirée.

Ré la laissa devant sa porte.
Une fois rentrée dans sa chambre, Heulynn s'appuya à la porte, heureuse, souriante...

Elle se dévêtit, enfila une chemise de nuit en lin blanc et se glissa dans le lit confortable et douillet.
Elle étendit la main, ferma les yeux.

Le soleil entrait à travers les tentures de toile tendues devant la grande fenêtre. La fenêtre entrouverte laissait entrer les chants des oiseaux qui lançaient leurs trilles à travers le domaine.
Heulynn ouvrit les yeux, s'étira et tendit la main vers l'oreiller voisin...
Elle sourit en s'étendant encore une fois comme une chatte l'aurait fait au soleil. Un long soupir de bien-être acheva ce réveil.

Debout, elle ouvrit la porte qui la séparait de la salle d'eau attenante à sa chambre et constata avec plaisir que Matilda avait déjà commencé à préparer ce dont elle avait besoin.

Peu de temps après, elle se glissa avec délice dans un bain parfumé après avoir refermé la porte à clé, par mesure de sécurité...

Lorsqu'elle sortit du bac d'eau, une fois sèchée, elle se vêtit d'une robe de lin beige garnie de broderie à l'encolure et aux bords des manches.
Elle brossa ses longs cehveux avec énergie et les releva à l'aide d'un peigne en os.
Elle couvrit sa chevelure d'une coiffe bleue puisque la messe aurait bientôt lieu.

Enfin prête, elle quitta sa chambre et se dirigea vers la grande salle où elle espérait qu'un premier repas allait être servi...

La journée avait été superbe.
Tant à cause de la douceur du printemps que parce que Heulynn avait goûter à cette journée comme dans un rêve.

Après la messe, elle était allée faire une longue balade à cheval.
Ensuite, une fois revenue, elle avait fait une sieste avant d'aller conter encore ce lai de Bretagne au pied de l'arbre, dans le parc.

Et maintenant, elle revenait à ses appartements après être passée aux cuisines, chercher de quoi manger.
Les marmitons lui avaient garni un plateau de viandes froides, de légumes cuits, de fruits et de crème brûlée. Le tout, avec un pichet...d'eau !
Elle eut un peu de mal à ouvrir sa porte, essayant de ne pas tout renverser mais fini par y arriver. Elle referma la porte en la poussant à reculon et vint tout déposer sur la table devant la fenêtre.

Elle dévora de bon appétit une grande partie de ses victuailles tout en réfléchissant à ce qu'elle devait faire demain.

Fatiguée, elle se changea et se glissa, après avoir ouvert la fenêtre, dans le grand lit douillet.
Elle était bien, simplement bien.
La vie était belle, elle était heureuse...simplement heureuse...

Beaucoup d'invités étaient repartis aujourd'hui.
Le château ne résonnait plus de toutes ces voix des invités et il y règnait un grand calme, une paisible ambiance.

Heulynn s'était mise à l'écriture le matin.
Une lettre avait été envoyée à Fayence, pour prévenir Louizon qu'elle ne rentrait pas tout de suite et lui demander de lui faire envoyer quelques affaires.

Ensuite, après un très bon repas pris à l'extérieur, elle était allée se reposer, avait dormi un peu.

L'après n'était pas fini, une promenade à cheval lui avait permis de découvrir quelques endroits encore méconnus d'elle. Elle avait envie de connaître ce pays de Cuneo...Peut-être, pourraient-ils un jour, aller faire un promenade pour qu'elle puisse découvrir d'autres lieux...Une balade avec Ré comme guide serait une merveilleuse façon de bien connaître la région.

Rentrée au château, elle se dirigea vers les communs...Elle avait envie de bavarder et chacun sait qu'il n'y a pas plus bavard que les gens attachés au service...Cela faisait un moment qu'elle n'avait plus revu Matilda...Lui ferait-elle peur ?
Elle trouva aux cuisines deux ou trois jeunes filles aussi bavardes que des pies ! De quoi passer la fin de la journée...

Le temps avait coulé doucement au château.
Heulynn avait repris des forces en attendant la visite du médecin.
Confiante, malgré les coups durs, les méchancetés gratuites et les attaques perpétuelles, elle continuait à voir l'avenir, beau, souriant et ensoleillé.
Le temps de la vie calme reviendrait, un jour.
Jusque là, pour son enfant, leur enfant, elle fermerait ses oreilles aux médisences et porterait cette vie avec fierté.

Elle avait mis le temps à profit pour règler quelques affaires, notamment achever le début de la généalogie de la famille dont elle serait le premier nom. Son enfant, leur enfant, le deuxième...

Demain, il fera jour...pour eux, pour la Provence, pour elle !

Un parchemin, une plume, une lettre...

Lorsque Matilda poussera la porte de la chambre d'Heulynn, elle trouvera la chambre vide...Seuls, des rubans, venant d'une certaine robe, étallés sur le lit, témoigneront de la présence de la jeune femme.
Et peut-être aussi est-ce que l'oreiller sera encore mouillé de larmes versées avant de partir.

Un livre ouvert à une page retiendra son attention, le Lai du Chévrefeuille, certains passages soulignés...
Matilda les lira... :

[...]
ceo fu la summe de l'escrit
qu'il li aveit mandé e dit:
que lunges ot ilec esté
e atendu e surjurné
pur espïer e pur saver
coment il la peu&st veer,
kar ne pot nent vivre sanz li;
d'euls deus fu il (tut) autresi
cume del chevrefoil esteit
ki a la codre se perneit:
quant il s'i est laciez e pris
e tut entur le fust s'est mis,
ensemble poënt bien durer;
mes ki puis les volt desevrer,
li codres muert hastivement
e li chevrefoil ensement.
«bele amie, si est de nus:
ne vus sanz mei, ne mei sanz vus!»
la reïne vait chevachant;
ele esgardat tut un pendant,
le bastun vit, bien l'aparceut,
tutes les lettres i conut.
[...]
atant s'en part, sun ami lait;
mes quant ceo vient al desevrer,
dunc comenc(er)ent a plurer.
[...]

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