Le malaise

Ingeburge avait passé une très mauvaise nuit. Elle n'avait presque pas dormi et n'avait cessé de faire des allers-retours entre son lit et la porte qui communiquait avec la chambre de Vitou.

A l'aube, elle se leva et sonna ses suivantes. Elle s'agenouilla et pria en attendant:
Seigneur, merci de la protection que Tu lui offres... Merci pour tous les bienfaits que tu répands sur nous...
Bénis cette maison, les Cunéens et tous les gens à notre service,
Bénis notre famillle,
Et surtout Seigneur, guide-moi parce que je suis perdue, guide-moi car j'ai peur
Et surtout, protège l'amour de ma vie!

Ses suivantes entrèrent avec un repas et un baquet d'eau chaude.

Ingeburge ne toucha presque pas à la nourriture malgré les protestations des bonnes puis se plongea avec délices dans son bain. Elle fut frottée énergiquement et se détendit quelque peu.

Elle sortit de l'eau, se sécha et s'attabla à sa coiffeuse où les mains expertes de ses suivantes la coiffèrent et la préparèrent.
Elle revêtit ensuite une robe légère.

Ainsi préparée, elle se dirigea vers la porte de communication et entra doucement dans la chambre du Comte.

Elle alla trouver Carlo.
Vous pouvez aller vous reposer, je prends la relève, merci pour tout.
Et que personne ne rentre dans cette chambre sans mon accord.

Elle lui sourit et il lui fit un signe de tête avant de sortir de la chambre.
Elle le suivit, ferma la porte derrière lui et poussa le verrou.

Elle se rendit ensuite auprès de son époux et s'assit à côté du lit, tout près de lui. Elle lui prit les mains et les baisa tendrement.
Puis de crainte de le réveiller, elle les reposa.
Elle prit le Livre des Vertus déposé sur sa table de chevet et commença à lire.

alors que Vitoù s'eveillait, Stefano entra dans la chambre, tenant un plateau d'argent sur lequel était disposé une carafe de lait ecremé, et une omelette de blancs d'oeufs.. repas fort peu appetissant, mais recommandé par le medecin

Comte, comtesse... je suis heureux de vous voir eveillés

il déposa le plateau sur le lit, et alla, après un signe de tête du comte, ouvrir les rideaux

Comte, il fait beau jour... si vous vous sentez en forme, nous pourrions tous repartir dès aujourd'hui à Cuneo... Matilda a fait préparer un carosse pour vous, et giovanni s'apprete à escorter la jeune artiste jusque cuneo... Matilda doit finir de preparer les jardins là bas, et je dois recevoir les marchandises pour les banquets...

Stefano se rendit compte que ce n'etait pas le moment pour parler de ça

mais.. veuillez m'excuser.... profitez de votre repas, je repasserais plus tard..

Heulynn avait été conduite dans une chambre dans un autre corridor.
Elle y était entrée, sagement.
Peu de temps après, alors que le château semblait dormir, elle était ressortie, discrètement.
Nulle autre personne que celle intéressée ne saurait jamais où elle était allée ni ce qu'elle avait fait.
A l'aube, elle était revenue, tout aussi discrètement et s'était glissée dans le grand lit, s'y endormant aussitôt.

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, le soleil était déjà haut dans le ciel.
Elle se rendit à la salle d'eau, y fit une toilette rafraîchissante.
Une fois habillée, elle descendit aux cuisines, y prit un repas, en discutant avec le personnel. C'était là qu'elle savait avoir des nouvelles de Ré...En effet, on lui apprit qu'il avait passé une bonne nuit...elle sourit...et que son état ne s'était pas empiré.
Elle remercia chaleureusement pour le repas et quitta les communs.

Elle se rendit alors dans la haute cour, y trouva ses soldats que l'on avait logés dans une dépendance.
Elle leur donna des ordres.
Deux des soldats se levèrent et partirent aussitôt tandis que les deux autres écoutaient ce que Heulynn leur donnait comme instruction.

Le soleil était chaud, Heulynn savait très bien qu'on ne le laisserait pas revenir auprès de son aimé et elle n'avait pas envie de faire de l'esclandre. Ré n'avait pas besoin de ça...
Aussi, elle se promena autour du château, priant, pensant, imaginant...Elle s'assit sur un muret, de là où elle pouvait voir les fenêtres de la chambre de Ré.
*Mon ange, lutte, guéris, sois fort...encore...*

Ingeburge sourit à Stefano, se demandant par quel miracle il avait réussi à ouvrir la porte...
Merci pour tout. Le Comte va déjeuner et décidera ensuite de ce qu'il convient de faire.
Quoiqu'il décide, je reste avec lui... Pouvez-vous demander à mes gens de préparer quelques effets pour moi? Merci.

Ingeburge installa confortablement Vitou, arrangeant les couvertures et les oreillers.
Puis, elle lui remplit un bol de lait fumant et lui tendit.
Voilà mon amour.

Un des soldats de Fayence trouva Heulynn, assise sur le muret, elle avait l'air absent et l'homme la trouva pâle.
Il s'approcha d'elle.
Elle leva un regard triste vers lui et écouta ce qu'il venait lui dire.
Ma dame, tout est fait selon vos instructions, ne sommes prêts, dés que vous le désirerez, nous pourrons y aller.
Elle le remercia, lui glissa quelque chose entre les mains et le fit disposer.

Elle resta encore un moment, assise là. Le soleil caressait son dos, elle se sentait bien et pourtant, des larmes roulaient le long de ses joues.
Quel serait l'avenir ?
Elle avait tenu ses engagements, qu'en serait-il du reste ?

dans l'après midi, Giovanni était venu chercher le couple comtal. le Comte avait du mal à se deplacer, mais il n'y avait que les escaliers à descendre, le carosse attendait devant le chateau.

les membres de la cour et les proches des Martius prirent place sur leurs montures, autour du carosse, le temps que Gianni aille chercher la jeune artiste arrivée la veille sur le domaine.

Lorsqu'elle redescendit, les hommes du comté de Cuneo et toute l'escorte se mit en route en direction des Alpes

Heulynn venait de reprendre le chemin du château après une longue promenade aux alentours de Apt lorsqu'elle vit que le carosse et les accompagnants des Martius se préparaient.
Elle vit Ré, qu'on avait aidé à descendre les escaliers, prendre place dans le carosse et tout le convoi se mettre en route.

Elle secoua la tête, se dirigea vers les communs dans lesquels elle pénétra par une petite porte basse.
Après avoir posé quelques questions aux serviteurs, elle remonta à sa chambre, ramassa ses quelques affaires laissées là et se dirigea vers les écuries.
Aux soldats qui se levèrent à son arrivée, elle lança un simple :
On y va !

Une heure plus tard, trois chevaux soulevaient la poussière d'un chemin rocailleux en direction de Fayence.

Ingeburge était bien contente de quitter enfin Apt... Vitou et elle partaient enfin vers Cuneo, domaine auxquels ils étaient très attachés et où aucun étranger à la famille n'avait mis les pieds.
Elle voyait Cuneo comme un sanctuaire inviolé, un endroit bien à eux où ils se construisaient leur nouvelle vie et de nouveaux souvenirs.

C'était également à Cuneo que leur enfant devait naître, cet héritier légitime que le Comte désirait si ardemment.

Confortablement installée dans leur carosse, Ingeburge posa la main sur son ventre. Elle se tourna vers son époux et lui adressa un sourire éclatant:
Ti amo amore mio.

Et Cuneo, somptueux fief niché dans les Alpes, s'approchait enfin.